Un fruit venu du nouveau monde

Lorsque les conquistadors espagnols et portugais accostent au Mexique à l’aube du XVIe siècle, ils découvrent sur ce continent américain tant fantasmé des aliments qui vont révolutionner les menus européens. A leur retour du « nouveau monde », ils déchargent de leur bateaux des pommes de terre, des haricots, des piments et des poivrons, des courges de toutes les tailles, du maïs, des fraises, du cacao… et un drôle de petit fruit jaune domestiqué par les Aztèques. Les Espagnols commencent alors à cultiver cette variété que les marins disent s’appeler « Tomatl », et petit à petit la tomate se disperse aux quatre coins du bassin méditerranéen. Pragmatiques, les Italiens apellent cette petite boule dorée « pomme d’or », pomodoro…

Mais avant de devenir la reine de nos assiettes d’été, la tomate doit encore surmonter un obstacle de taille. En effet, les botanistes l’ont apparentée à la famille des Solanacées, ce qui en fait une lointaine cousine de la mandragore, la racine des sorcière… Pendant deux siècles, la tomate a donc une double vie : dans le Sud, elle est cultivée par les paysans et dégustée servie sautée avec de l’ail, tandis que dans le Nord, elle est l’objet de toutes les suspicions… On l’a dit toxique, immangeable, déplaisante et même dangereuse… Il faut attendre la Fête de la Fédération en 1790 pour que les Marseillais montés à Paris la réclament pour adoucir leur viande, et que les maraîchers s’adaptent à la demande. Tout au long du XIXe siècle, elle commence doucement à conquérir le Nord de l’Europe, mais uniquement sous forme de sauce ou de condiment. Il faut attendre le début du XXe siècle pour qu’elle soit enfin consommée crue et qu’elle rencontre le succès qu’on lui connait sous forme de salade, de ratatouille, de pizza, de ketchup et de jus de tomates !

 

 

La tomate victime de son succès

Après quatre siècle à convaincre le monde de son innocuité, la tomate est devenu en un temps record un aliment central de notre alimentation. Cuite ou crue, en soupe, en jus, en sauce ou en ketchup, elle détient la deuxième place des légumes les plus consommés dans le monde après la pomme de terre. Pour faire face à la demande, l’industrie agroalimentaire s’est organisée et a privilégié des variétés résistantes aux maladies et aux transports, capables de rester longtemps dans les rayons des supermarchés et de séduire l’acheteur par un aspect bien rouge et bien rond… Au détriment du goût ! Produites sous serres 365 jours par an, les tomates n’ont plus rien en commun avec les variétés cultivées dans les jardins de nos grand-mères, qui ont laissé des souvenirs impérissables à tous ceux qui se souviennent de leur chair sucrée et généreuse…

Heureusement, depuis une quinzaine d’année, petits producteurs et semenciers tentent de faire redécouvrir le vrai goût de la tomate aux consommateurs, suivis de près par toute la filière tomate. Les variétés anciennes ont refait leur apparition dans les potagers et les étals de marché, les chercheurs développent des variétés de plus en plus savoureuses, et les gros producteurs ont diversifié leur offre afin que les tomates des supermarchés soient moins insipides qu’avant. Mais pour retrouver le bon goût des tomates, c’est à chacun de nous d’apprendre à consommer mieux, en privilégiant systématiquement les tomates françaises et locales, en n’achetant des tomates de mai à octobre uniquement (et jamais l’hiver), et surtout en prenant le temps d’un cultiver dès que cela est possible ! Et si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez au Conservatoire, on vous dira tout !